Parking des camions citernes

[La chambre sans fenêtre]

Amaël descendit donc jusqu'au parking, en passant il regarda au sol en réfléchissant. Se remémorant la scène d'hier soir, il reconstitua seul les places de Barry et Judikaël, ainsi que celle de la soeur.
Mais il avait beau tenté de réfléchir, son esprit était trop préoccupé pour l'instant. Après un soupir frustré, il retira son tee-shirt qu'il étendit sur une des portières du camion du milieu.
Puis il ouvrit le robinet du gros tuyau gris du camion citerne, l'eau s'écoula pas trop fort, un peu comme un petit ruisseau tranquille à la hauteur des hanches d'Amaël. Celui-ci s'accroupit et se passa la tête sous l'eau glaciale. Ses cheveux enfin assemblés ensemble en une longue rivière nocturne brillant au soleil de reflets bleu roi.
Il resta la tête penchée sous le jet d'eau, la nuque en prise avec le liquide si froid qu'on se demandait comment il n'avait pas gelé durant la nuit, il resta comme ça longtemps.
Assez longtemps pour commencer à ressentir le froid malgré sa nature.

Il rejeta ensuite la tête en arrière quand un grand frisson secoua enfin son corps et qu'il eut froid, un fouet d'eau lui frappa le dos quand sa chevelure revint en ordre derrière sa tête.
Il gardait les yeux ouverts, toujours tournés vers le soleil. Il regrettait les sensations de froid et de chaud et faisait en sorte de finir par les ressentir, il se lava donc tranquillement le haut du corps avec l'eau froide et un petit pain de savon sans penser à rien. C'était l'unique moment de la journée où son esprit était serein, le moment du lever du jour. Quand il pensait qu'encore, une bonne partie de la population de la ville dormait toujours.
Il prononça une prière à Dieu en gaélique.
"Ainghil Dhe a fhuair mo churam
Bho Athair cumh na trocaireachd,
Ciobaireachd caon cro nan naomh
Dheanamh dha mo thaobh a nochd;"

(THE GUARDIAN ANGEL
Thou angel of God who hast charge
From the dear Father of mercifulness,
The shepherding kind of the fold of the saints
To make round about me this night;)

[police]

Armand avait terminé son hot dog depuis longtemps lorsqu'il arriva enfin à la vieille station de pompier. Depuis le trottoir d'en face, il leva le nez pour contempler le bâtiment après avoir contemplé les grilles (murs ?) qui encerclaient le parking et la station, puis il traversa la route pour entrer.

Une fois dans le parking, il vit plusieurs camions, abandonnés, ainsi qu'une très grosses citerne. Il la contempla un instant, elle lui faisait penser à une sorte de ballon de baudruche, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi...

Armand en revint au véhicule et aperçut finalement Amaël, qui prenait une douche, dans le froid. Ben voyons. Il lui tournait le dos et était accroupi. Le jeune homme s'approcha du potentiel vampire avec calme. Le bruit de l'eau était fort, il parlait dans une langue étrangère, alors Armand se dit qu'il n'entendrait peut-être pas son approche. Amaël était vraiment pâle. Armand l'était aussi mais il se dit que la pâleur de l'homme était toute vampirique. Cependant, il n'avait pas spécialement peur, peut-être était ce d'entendre le vampire effectuer une sorte de prière. Lorsqu'il fut assez près, il leva la jambe et lui asséna un coup de pied juste au niveau de la nuque. Pas trop fort. Et même s'il y avait été fort, cela n'aurait pas occasionné grand mal à ce géant d'Amaël. Tout au plus aurait-il été déséquilibré.

"Qu'est ce que tu fous, pauvre con. Tu vas prendre froid et cracher tes poumons par terre," l'engueula Armand en posant les poings sur les hanches et en fronçant furieusement les sourcils. "Un vampire avec le nez qui coule, ça serait du plus grand ridicule."

Ok, les vampires ne pouvaient pas s'enrhumer, Armand le savait très bien, mais il s'en foutait.

Amaël avait bien sûr entendu Armand approcher mais il l'avait, en quelque sorte, laissé faire pour savoir sa réaction spontanée.
Et putain, elle le déboussollait sa réaction spontanée !
Amaël avait tout imaginé : une gifle, un poing dans la gueule, une balle dans le buffet, un coup de savate, même un sabre entre deux côtes mais pas que le gosse l'engueule pour un rhume potentiel !
Le pied sur sa nuque donc, il se demanda un petit moment où était le nord.
Quand il tourna la tête le mieux qu'il put pour jeter un coup d'oeil en coin à Armand. Et Amaël, du moins de ce que Armand pouvait voir de son visage dans cette position et avec les loooongs cheveux bleu nuit en rivière, avait un air d'une perplexité la plus totale. Abasourdi même.
Le pied retiré, le vampire se releva lentement (et un mètre quatre vingt quinze qui s'étennnnnnnnnnnd), on remarque qu'il avait toujours son sabre à porté de main, il aurait pu le sortir quand il voulait.
Le géant écossais regarda fixement Armand une semi seconde avant de le regarder droit dans les yeux.
N'importe qui, douché de honte, aurait plutôt baissé les yeux en prononçant ces paroles, mais Amaël, même douché actuellement de la honte la plus poisseuse, regardait sa victime droit dans les yeux. Car lui ne voulait pas se dérober à sa responsabilité. "Je suis désolé pour ce que je vous ai fait hier soir," dit-il, assez haut pour qu'Armand l'entende, mais pas trop, un peu comme s'il adoptait le ton d'un confessionnal malgré son visage dur.

Même pas honte d'être tout torse nu et dégoulinant ! *Arrêtez de baver, vous là-bas.)

Ce qu'il y avait de dommage, ou pas, c'était qu'Armand était totalement insensible à la beauté trempée d'Amaël. Il n'avait pas le temps de penser au merveilleux effet des cheveux trempés retombant sur la peau blanche du vampire, ni aux gouttes d'eau coulant le long de son corps. Il se contentait de le fixer avec la même expression furieuse, les lèvres légèrement pincées et, surtout ne le dites pas, la main prête à s'emparer de son arme à feu si Amaël avait le malheur de se montrer menaçant. Il avait décidé de le laisser en vie, car il était l'une des rares personnes à penser que les vampires n'étaient pas obligatoirement mauvais, mais il était prêt à changer d'avis s'il se trompait sur le compte de son coéquipier.

Heureusement, le vampire s'excusa.

"Espèce de grand couillon. La prochaine fois que tu attaques quelqu'un, veille au moins à ce que ce soit pas un chasseur. Et va te nourrir dans une boucherie, bordel de merde !"

Armand recula de quelques pas en levant le nez pour regarder Amaël.

"Si je ne te dénonce pas, c'est seulement parce que ça fait longtemps que tu es un chasseur et que je suppose que t'es pas le genre de vampire à assassiner les gens chez eux, même si je serais en droit d'en douter. Si tu recommences ce genre de conneries (Armand tendit l'index tout en disant cela), je te tue. On a pas inventé le boudin noir pour des prunes !"

Le jeune chasseur finit par baisser son doigt levé et croisa les bras.

"Habille toi, on a du pain sur la planche. Déjà, le patron du Vamped..." Il marqua une pause, réfléchissant. "En fait, tu es un vampire depuis longtemps ou seulement depuis cette nuit ?"

Amaël retourna illico en mode 'huître' aux paroles d'Armand à propos de sang. Son visage se cristallisa dans le marbre et il se retourna pour reprendre son tee-shirt et le passer.
Quand il eut passé son tee-shirt et ceinturé son sabre japonais, il rentra à l'intérieur pour prendre son long manteau noir qui était resté dans la chambre sans fenêtre.
Ah avant que j'oublie, durant le temps qu'il avait passé torse nu, Amaël avait caché ses poignets aux immondes cicatrices rouges et blanches, soit en gardant les mains dans le dos, soit les mains dans les poches de son pantalon.
Mais Armand avait pu voir que le haut du corps du géant écossais était loin d'être parfait : il était plein de cicatrices, diverses et variées, de précédents combats. Sans doute qu'elles provenaient du temps où il était encore humain. La plus remarquable était celle qu'il avait au niveau du coeur, une grande estafilade.

C'est lorsque le tee-shirt aux très longues manches fut mis qu'il laissa enfin ses mains à la vue de tous.
Qu'Armand le suive ou non à l'intérieur de l'édifice, lorsqu'il revint avec son long manteau noir (aussi aux manches trop longues) sur le dos, les cheveux à peu près secs, il passa devant le jeune garçon à pas lents vers la sortie du parking. On aurait pensé qu'Amaël n'aurait pas répondu à la question d'Armand, mais il le fit, sans doute parce qu'il estimait qu'il devait bien ça à celui qu'il avait mis en danger. "Depuis longtemps," dit-il clairement, en croisant son regard indigo étroit avec celui orangé d'Armand, puis détournant le regard devant lui. (Oui, j'aime le théâtral.)
"Wallet est-il au courant pour Locutus et le serveur du Vamped ?" Demanda t-il.

Armand avait noté les cicatrices d'Amaël (une fois qu'il eut cessé de le regarder droit dans les yeux et de commencer à se chopper un torticoli) mais il s'était dit qu'elles étaient sûrement dues à ses combats. Peut-être était-il déjà un tueur de vampire avant d'être un vampire. Ou peut-être que les vampires guérissaient vite mais ne cicatrisaient pas forcément mieux que les humains.

Finalement, Amaël remit son t-shirt à manches longues, puis retourna à l'intérieur pour prendre son manteau après avoir attaché son katana. Armand l'attendit patiemment, adossé au camion. Il se demanda s'il n'était pas devenu soudainement fou pour laisser Amaël tranquille, alors qu'il l'avait mordu et qu'il y avait Spock "dans les parages". D'ailleurs, il se demanda comment la sonde n'avait jamais rien deviné quant à la nature d'Amaël. C'était étrange.

Finalement, Amaël revint et Armand se décolla du camion pour le suivre, entendant aussi la réponse à la question qu'il avait précédemment posé. Le vampire en posa une autre, immédiatement.

"J'ai dit à Spockie que le patron du Vamped était un vampire. Je n'ai plus pensé au serveur. Je suppose qu'il faudra tout deux les éliminer. Car ces vampires pourraient avoir envie de dire ce que tu es."

Et Armand serait complice du mensonge. Hors, il n'avait pas spécialement envie de savoir ce que son père ferait en apprenant sa nouvelle trouvaille... Il avait passé l'âge des châtiments corporels et il n'était pas tenté par le peloton d'exêcution pour haute trahison.

"Spockie a aussi parlé de donner les infos de l'enquête à la crim'. Est-ce que cela veut dire qu'on n'est plus obligé d'enquêter ? Ces types m'énervent. Ils vous demandent de faire un travail et vous dégagent dès que vous avez fait la sale besogne."

Amaël leva le nez vers le soleil, c'était une manie à lui, Armand allait voir qu'Amaël levait souvent la tête pour voir le soleil, comme quelque chose qu'on ne peut pas s'empêcher d'admirer encore et encore.
"Peut-être, mais pourquoi ? Vous avez appris quelque chose sur la victime ?" Demanda t-il encore en reposant les yeux sur son jeune collègue tout en traversant le parking, à pieds jusqu'au Vamped, sans doute.
Il semblait que la question de voir son secret étalé au grand jour (ah ah ah) n'intéressait et/ou n'inquiétait pas le vampire. Il n'affichait rien de particulier, en fait, rien du tout. Son visage s'était renfermé dans le marbre tout à l'heure à la notion de sang et il semblait qu'il n'allait plus le quitter. C'était presque comme s'il n'avait jamais changé d'expression depuis la première fois qu'Armand l'avait vu. Mais Armand risquait-il vraiment le peloton ? Amaël, si c'était possible, ne s'en doutait pas.

"La victime, d'après les vidéo de la salle du Vamped, a eu une dispute avec un autre homme la nuit du meurtre. Georg Hillman, un ancien chasseur qui travaille maintenant pour la Familia," dit-il sobrement, toujours en posant les yeux sur Armand lorsqu'il s'adressait à lui.
A première vue ça n'était qu'un réglement de compte et le lieu de rendez-vous, une coïncidence. Enfin, sauf quand on sait que la personne B est un ex chasseur et que le patron du Vamped est un vampire.

L'Ecossais sortit sa pipe ouvragée à gros foyer de la poche de son manteau, il en tira aussi une petite bourse en coton bleu roi d'où il tira un tabac brun et odorant qu'il tassa dans la pipe avant de l'allumer avec un briquet métalisé... à essence, un zippo... Une antiquité parmi les antiquités.
Tirant une bouffée, il la souffla par le nez devant lui, comme un dragon, les yeux pensivement baissés sur l'asphalte, la main droite tenant la pipe au tuyau entre ses lèvres fines.
Puis il retomba sur Terre assez vite, et fronça légèrement les sourcils. "Vous devriez plutôt vous reposer. Locutus est très fort, il a arrêté mon sabre de la main en souriant," et il fronça si fort les sourcils qu'on aurait dit un loup qui va mordre mais il retourna au marbre presque tout de suite et considéra le jeune homme.
A noter qu'Armand utilise le 'tu' alors qu'Amaël est resté au 'vous'.

Et puis il entendit des bruits devant eux et tourna la tête pour voir Kirk arriver avec Marie Sanmichele.
Kirk avait l'air, comme d'hab', prêt à tout exploser. Il s'arrêta devant les deux chasseurs et les foudroya des yeux. Même s'il dû lever un peu la tête pour foudroyer le géant bleu. "Y'a une journaliste qui m'tient au collet, faites comme vous pouvez," grogna t-il. Puis il présenta Marie à Armand et Amaël.

« Messieurs, comment allez-vous ? »

Elle observa rapidement les deux hommes devant elles. Ils n’avaient pas l’air d’avoir été en train de prendre le thé.

« Faites comme si je n’étais pas là pour commencer. Je vous poserai des questions ensuite. »

Elle sortit son bloc et lança son magnétophone, prête à prendre en note tout ce qui pouvait être intéressant. Avant qu’ils ne commencent à parler, elle jeta en quelques mots, une rapide description des deux hommes. Un étrange duo pensait-elle, un jeune homme et un géant. Un vieux film lui revint en mémoire en voyant l’homme aux cheveux bleus, sans qu’elle sache pourquoi. Ce film était l’histoire d’un guerrier qui traversait les siècles, combattant ceux qui étaient comme lui et condamné à perdre encore et encore ceux à qui il tenait …

Armand nota qu'Amaël semblait avoir totalement mis de côté le problème d'être découvert, ce qui l'énerva énormément. Non pas qu'il eut pitié du vampire au cas où quelqu'un d'autre apprenait ce qu'il était mais Armand tenait vraiment à ne pas avoir d'ennuis. Que voulez vous, il pense à lui avant tout... Mettant toutefois ce problème temporairement de côté (pour engueuler Amaël juste après, ne vous inquiétez pas), il lui expliqua ce qu'il avait pu apprendre. Notons qu'il avait totalement ignoré la remarque d'Amaël, pour qu'il se repose. Et puis, qu'est ce que c'était que cette remarque par rapport à la force de Locutus ? Il le croyait vraiment incapable de se défendre ?

Bref, ce fut après ces quelques explications qu'Armand repassa à l'attaque.

"Bon, espèce de connard suicidaire, j'ai pas envie d'être emprisonné parce que t'a décidé que ce n'était pas grave d'être découvert. Et oui je sais ce qui ce trame dans ta tête. Non j'ai pas besoin d'être télépathe pour ça."

A vrai dire, il n'était pas difficile d'arriver à l'équation : vampire tueur de vampire = vampire suicidaire.

Cependant, Armand cessa ses remarques lorsqu'il vit Kirk, accompagné d'une fille, arriver. Il reconnut cette dernière comme celle qu'il avait vu au commissariat. Que faisait-elle là ? Il eut rapidement la réponse et il laissa échapper un soupir, alors qu'il replaçait une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Son regard à l'encontre de Marie se fit glacial.

Il garda le silence lorsqu'elle demanda comment ils allaient mais laissa échapper une remarque aux phrases suivantes, tout en la regardant écrire dans son bloc note.

"Vous savez... On allait juste manger à In-N-Out Burger. Ils ont de délicieux Cheeseburger."

Il jeta un regard en coin à Amaël, l'air de lui dire qu'il allait commettre un meurtre s'il le contredisait. Quant à l'histoire d'être "tenu au collet"... Ben, Armand se fichait un peu des ennuis de ses supérieurs hiérarchiques.

(In-N-Out Burger existe vraiment en Californie : D)

Amaël était de plus en plus destabilisé par Armand. Il fuma sa pipe avec un tout léger haussement de sourcil. Mais il n'eut pas le temps de répondre car Kirk, justement, et une journaliste, venaient vers eux.
Sa pipe à long tuyau (comme celle de Bilbo ou Gandalf) avec le foyer sculpté pour représenter un visage de Leprechaune, il déporta son attention sur les deux arrivant. Une main dans la poche de son manteau, l'autre tenant sa pipe qu'il avait entre les lèvres. Les manches de son manteau étaient si longues qu'elles couvraient la moitié du dos de ses mains.
Son regard étroit bleu nuit se posa sur Kirk puis sur Marie. Mais il saisit le regard en coin d'Armand.
Ce fut Kirk qui lui donna l'occasion de plonger dans la version, le chasseur en chef officiel darda sur Amaël un regard soupçonneux et sceptique : "quoi, toi, tu vas au fast-food le vieux con ?
-Oui," répondit Amaël sobrement.
Et Kirk, qui avait fini par associer Amaël à un ermite ascetique, eut l'air hébété.
Amaël fixa ensuite Marie, froidement, fumant sa pipe alors que Kirk fumait sa clope. Mais il continua à marcher, dépassant Marie, il s'excusa poliment d'un ton mesuré.

Kirk était tout content, il n'était pas vraiment obligé de dire à Amaël ou Armand de répondre. Il se demandait si Marie allait arriver à leur tirer les vers du nez.

[ordre des postes : Marie, Armand, Amaël]

Elle faillit hurler intérieurement lorsqu’elle vit les deux chasseurs prendre la poudre d’escampette. Son arrivée avec Kirk avait vraiment dérangé quelque chose. Son envie de meurtre ne fit que croître quand Wallet ne fit rien pour retenir ses subordonnées. Ça ne se passerait pas comme ça. Elle se tourna vers lui.

« Il faudra que nous nous revoyions bientôt. J’ai trouvé les photos de tout à l’heure tellement intéressantes que j’en ai gardé une ou deux. Nous pourrions peut-être nous voir un soir, pour discuter de leur restitution … sans photographe dans les parages. »

Elle mentait à propos des photos. Mais elle estimait qu’il avait bien mérité de transpirer. Et puis Kirk Wallet semblait l’homme idéal pour assouvir quelques pulsions.

Elle se détourna et courut pour rattraper les deux chasseurs. Elle voulait ses informations et elle les aurait, que ses témoins coopèrent ou pas.

« Je ne vous lâcherais pas tant que vous n’aurez pas répondu à mes questions. Cela peut être très rapide ou durer des heures. A vous de décider. »

Armand avait suivi Amaël mais ne perdit rien de la menace de Marie envers Kirk. Le pauvre... Bon, ok, il ne le pensait pas vraiment. Et il se demandait même ce qu'il pouvait y avoir de si compromettant sur ces photos. Tout à ses reflexions, il se rendit compte que la journaliste les suivait, ne lâchant pas l'affaire. Il se tourna suffisamment pour l'apercevoir par dessus son épaule, alors qu'elle se mettait à dire qu'elle ne les lâcherait pas tout en les mençanant.

Un sourire naquit sur les lèvres d'Armand, ce qui n'était pas forcément bon signe.

"Les chasseurs ont appris à être patients..."

Il ralentit le pas, pour se laisser rattraper.

"Vous vous lasserez la première... Si vous n'êtes pas tuée avant par le vampire que nous sommes censés tuer aujourd'hui. Sa tête est mise à prix. Il a commis un certain nombre de meurtres."

Armand improvisait, même s'il se disait que le patron du Vamped serait un bon candidat pour donner du poids à ses paroles. Cependant, il se disait que ce ne serait pas suffisant pour faire fuir la journaliste. Ces bestioles là avaient tendance à s'accrocher de toute leur force à leur proie. En cela, il préférait les vampires.

On aurait presque pu entendre Kirk s'étrangler aux menaces de Marie. Le grand black rattrapa (le pauvre) les deux solistes et s'obligea donc à enchérir : "j'suppose qu'on a pas le choix, faut tenir les gens informés, donnez lui quelque chose de potable !" dit-il à contrecoeur et avec le ton le plus autoritaire qu'il pouvait.

Amaël (qui avait l'ouïe fine) soupira et eut un excès de pitié pour Kirk. S'il avait été seul avec Armand, la petite impro' de celui-ci l'aurait fait sourire. Pas que l'Ecossais accordait de l'importance aux primes (même s'il était toujours bien content d'avoir un peu de sous) mais ça l'aurait fait sourire, cette façon qu'avait le jeune garçon aux yeux orangés d'inventer pour ennuyer Marie. Surtout avec une histoire de fast-food. Et puis, Amaël avait bien entendu les insultes, il trouvait ça drôle de se faire regarder en biais, et traîter de noms d'oiseau par un jeune garçon tout frêle. *Connard suicidaire, grand couillon... C'est mignon.*

Il s'arrrêta et retira le tuyau de pipe d'entre ses lèvres pâles. Tournant les yeux vers Marie pour la regarder droit devant d'un regard de poignard d'obsidienne, il dit : "la victime éviscérée retrouvée dans l'entrepôt a été vue au Vamped le soir de sa mort, elle avait une dispute avec Georg Hillman qui travaille pour la mafia italienne."

Il la regardait toujours droit dans les yeux lorsqu'il ajouta : "les vampires qu'on s'apprête à tuer travaillent au Vamped, il s'agit d'un serveur, et de Locutus, le patron."
Lorsqu'il dit ça, ses sourcils droits déjà froncés au naturel se fronçèrent encore plus et son visage fut menaçant, comme ça il était sensiblement tellement en colère que du haut de son presque deux mètres, les étroits yeux indigo baissés sur Marie et brillants de haine, il avait l'allure d'un terrible dieu-démon. Si bien que Kirk se plaça discrètement entre Armand, Marie et le chasseur.
Lèvres fines tordues avec colère, il fixa encore une seconde Marie. Sans qu'on le voit il avait serré la main sur la garde de son sabre sous son manteau. Soudain, il tourna le dos aux humains et reprit sa marche d'un pas fluide. Ses longs cheveux et fins bleu nuit battant son dos au soleil.

Kirk n'allait jamais l'avouer, mais il avait eu peur que l'Ecossais n'attaque Marie et avait mis la main sous son imper', la main sur le pistolet qu'il portait.
"Lui, j'l'ai jamais vu aussi en colère après une sangsue..." Murmura t-il tout bas pour lui-même. Avec un ton soupçonneux...

Mais, mine de rien, il venait de balancer plein d'infos : un suspect de la mafia, le fait que la victime avait rencontré le suspect au Vamped, et, cerise sur le gateau : le patron du Vamped était un vampire !!
La journaliste avait de quoi faire, peut-être.

Le plus grand des chasseurs ne sembla pas apprecier ses questions mais après l'intervention de Kirk, il répondit. Sans entrer dans les détails, mais il répondit. Et il ajouta même quelques informations de lui-même, un miracle au vu de sa réputation. Elle sursauta quand elle apprit pour le patron du Vamped.

« Le patron du Vamped ? Quand je pense que ce type semblait me cacher quelque chose, hier soir. Je me demande si c'était ça. Un serveur aussi, vous m'avez dit ? Vous connaissez son nom ? »

La réaction du géant la surprit un instant. Il était un chasseur et il était en contact quotidien avec les vampires mais cette haine qui se lisait dans son regard, c'en était presque effrayant. Puis ces paroles précédentes percutèrent enfin dans son esprit. Le mort avait parlé avec un membre de la Mafia. Pourtant ses contacts ne lui avaient rien signalé. Elle se promit de les secouer très sérieusement et dès aujourd'hui.

Elle sortit sa carte professionnelle et la tendit à Armand, puisqu'Amaël s'éloignait déjà.

« Ma carte, appelez-moi si vous avez des infos. Si j'apprends des choses qui peuvent vous interessez, je vous les ferai passer par votre patron. »

Elle était bien obligée de passer par ce recours, elle n'avait pas le numéro de portable des deux hommes. Elle prit une autre carte dans son portefeuille, pour Kirk cette fois.

« Appelez-moi pour prendre rendez-vous. Nous pourrons ... discuter photo entre autres choses. C'est mon numéro personnel. »

Ce n'était plus une journaliste, calme et professionnelle qui disait ces paroles, mais une femme qui promettait beaucoup en quelques mots et un sourire. Le poisson mordrait-il ? Elle l'espérait.

Armand manqua de s'étrangler en entendant Amaël livrer des informations sur plateau à cette journaliste opportuniste. Son regard alla de la jeune femme - comme s'il rêvait de la découper en rondelle - au vampire - comme s'il rêvait de lui foutre le feu -, revient sur la journaliste, puis retourna à Amaël où il resta fixé.

La colère du chasseur ne l'inquiéta pas, pour la bonne et simple raison qu'il était bien trop dominée par la sienne pour ressentir une quelconque crainte.

*P'tain, tu vas voir tes rotules quand on sera seul. Je vais te les éclater avec un flingue,* pensa-t-il alors que Kirk se plaçait soudainement devant lui et cachait son champ de vision. Il put ainsi redescendre sur terre 5 minutes.

Pour être aussitôt contrarié par le murmure de Kirk. Génial. Amaël était d'une telle discrétion - songea celui qui passe son temps à injurier les autres ou à agir avec insolence - qu'il n'allait pas tarder à être découvert. Mais qui lui avait collé un incapable pareil ? Ah, oui, Kirk justemment. Bordel.

Alors qu'il était à ses reflexions, Amaël s'éloigna. Armand voulut le suivre mais fut interpelée par cette journaliste aussi tenace qu'un pitbull enragé. Il la toisa avec un éclat furieux dans ses yeux orangés, puis baissa sur le regard sur la carte qu'elle tendait. Il la prit, tout en essayant de retrouver un semblant de calme.

"Ouais, bien sûr," grogna-t-il. "Si j'ai besoin d'un appât, soyez sûr que je vous appellerai. J'aime rendre service à la communauté de L.A."

Oui ben euh... Fallait pas lui demander d'être aimable alors qu'il mordait déjà ses supérieurs hiérarchiques.

Tout en marmonnant - des choses qu'il ne vaut mieux pas répèter ici -, il se lança à la poursuite d'Amaël.

Elle regarda le deuxième chasseur s'éloigner. Il n'était guère plus aimable que l'autre, à croire que seul les asociaux choisissaient ce métier. Ils ne comprenaient jamais le concept de coopération. Tu me rends un service aujourd'hui et je te rends la pareille une autre fois. Le monde fonctionnait ainsi depuis avant l'apparition de l'homme.
Elle soupira et pêcha son portable dans son sac. Elle commença par appeler le journal, le portable de Jimmy pour être plus précise. Il n'avait pas encore les résultats d'autopsie. Elles étaient en cours. Elle laissa ensuite un message à un informateur de la Famille. Il n'était pas chez lui ou était encore au lit.
Il était trop pour faire parler les flics. Ils devaient être en pleine enquête et ne voudraient pas être dérangé.
Elle devait attendre et elle n'avait pas envie d'attendre. Elle caressa l'idée de titiller à nouveau Kirk mais cela valait-il la peine d'exciter encore plus cette panthère ? Ou aller réveiller l'hôte du Vamped ? Pour en savoir plus sur les derniers moments du mort ?

« Ca me va ... pour l'instant. Je pense aller voir le légiste maintenant. Il devrait avoir fini son rapport préliminaire. On dirait qu'il y a pas mal de cinglés en ville en ce moment. Je soupconnais quelque chose de louche à propos de Locutus mais je pensais plus à la triade qu'à un suceur. Cela va faire du bruit en ville en tout cas. Je vous recontacterai dans la journée si j'ai besoin de plus d'infos. »

Elle était bien décidée à ne pas le lacher avant d'avoir eu toutes les informations qu'elle pourrait lui extraire. Mais elle ne voulait pas lui mettre trop la pression non plus. Elle éteignit ostensiblement son magnéto et le rangea dans son sac, avec son bloc. Il était temps de passer à des sujets plus intimes.

« Dites, par rapport aux photos. Vous faites souvent ce genre de soirées ou c'était exceptionnel ? Il est très rare que des clichés soient pris dans ce genre de circonstances. Personnellement, je suis ... serai plus prudente sur le choix de mes partenaires à votre place. »

Et hop, un petit lapsus, s'il n'était pas idiot, et il en était très loin, il comprendrait qu'elle aussi, appréciait ce genre de soirée. Et que l'invitation a lui téléphoner pourrait le conduire à des moments très distrayants. Elle rajusta son sac à l'épaule et partit d'un pas tranquille. Alors qu'elle atteignait l'entrée de la cour, elle se retourna pour lui lancer.

« Appelez-moi un de ces soirs. Je suis libre comme l'air en ce moment. »